Such a blue day [PV Terry ~ ]

Invité

Avançant une main sur sa peau nue, l’humanoïde palpa la zone rêche où dormait le dragon enroulé sur lui-même, paisible. Grand reptile aux couleurs ternes qui ne cessait de menacer son bonheur par sa présence. Lelio savait qu’il appartenait à quelqu’un et que cette possession s’était terminée brutalement. Avec une prudence de vieille femme, il effleura son front cicatrisé depuis longtemps. Aujourd’hui, il n’avait plus de propriétaire spécifique… hormis… et à cette pensée, Lelio baissa pudiquement ses yeux jaunes. Il frissonnait d’une fièvre intérieure, désagréable. Et ses pensées philosophiques ne convenaient absolument pas à son état d’esprit. Il se sentait…hum…dérangé ?... Il était le genre de robot qui ne pense qu’à sa vie passée ; plus elle disparaît, plus il est mélancolique. Le dragon qui dansait sur ses omoplates était l’une des seules pistes qu’il avait ; ses pensées manquaient cruellement de consistance. Et avant… ? Y’avait-il eut au moins quelque chose ou était-il né dans cette décharge, le crâne défoncé ? Comme un putain de voyou au regard endormi… Il détestait cette idée et cette déchéance, ce corps froid qu’il possédait. Si seulement il était humain et capable… de chanter sans briser les fenêtres. La pensée lui arrachait des sourires mélancoliques. Il n’y avait vraiment qu’un seul être pour refermer en lui cette personne sombre qui hantait les yeux de Lelio. Ce prostitué qui s’était oublié depuis longtemps, sans jamais disparaître et mourir. Coupable existence qui emplissait l’humanoïde de doutes cruels. Qui suis-je ? Où est ce que je suis né ? Pourquoi n’ai-je pas d’existence propre ?... Et, finalement, pourquoi suis-je né robot ?...
Il pressa pensivement ses doigts pâles sur son poignet. Sa chair, engourdie, ne lui renvoya aucune sensation particulière de douleur. Lelio demeurait abruti dans ses rêveries inutiles d’humain. S’accrochant un sourire aux lèvres, il se leva avec lenteur…

Il avait de quoi faire ce matin là pourtant, s’occuper des tâches qui étaient devenues son lot quotidien. Et il était quand même resté des heures sur le canapé à regarder la pluie tomber avec une nostalgie toute humaine. L’androïde tira machinalement sur sa chemise, rempli de doutes comme à son habitude. Il les cachait la plupart du temps derrière ses sourires chaleureux… mais dès qu’il cessait de s’occuper inutilement, ils revenaient en force. Poor, poor robot.

Et Lelio ne savait absolument pas où était passé l’adolescent qui lui tenait lieu de propriétaire. Il pouvait être n’importe où, avec n’importe qui. L’humanoïde se laissa retomber sur le canapé, une canette vide à la main. Il avait froid. La basse température du métal imprégnait ses doigts serrés, ses lèvres bleutées tremblaient un peu. Lelio croisa les jambes, rêveur. Il allait sûrement passer sa journée dans l’abrutissement le plus total et peut-être s’endormir. Tout vaudrait mieux que cette réalité douce amère coincée dans sa gorge, qui l’empoisonnait plus sûrement que le cyanure. Il effleura ses bras de plastique, trouvant là où il n’y avait que de la douceur la rigidité du métal. Tout sonnait faux et il culpabilisait toujours plus. Plongeant ses longs doigts dans ses mèches à les arracher presque, esquissant des faux sourires. Et cherchant son reflet dans un miroir cassé :

« Terry…Terry…J’ai besoin de vous… ! » Murmurait-il

Tout cela finissait immanquablement par une crise de larmes ; elles dévalaient ses joues en sillons bleu clair. Lelio avait alors l’air d’un petit enfant perdu. Les yeux grands ouverts et humides, les lèvres rosies, il paniquait, laissait les sanglots l’étouffer. Tout ça parce que son corps n’était pas doux comme celui d’un humain. Il ne reconnaissait plus son reflet barbouillé de bleu. Qui pouvait deviner son malaise et l’extraire ? Pauvre bête mécanisée. Il pleurait des heures durant en l’absence de Terry. Tout simplement parce que l’humain était son seul repère dans ce monde, mise à part son énorme tatouage. Mais le dragon ne lui offrait aucun réconfort, continuait de braquer ses yeux vipérins sur lui. Il l’effrayait. Ombre qui planait toujours sur sa vie.

Il se griffa hystériquement les omoplates, tirant hors de ses veines artificielles quelques gouttes de sang aussi bleu que ses larmes. Sa paranoïa devenait extrême et tranchante ; oh, il se haïssait. A mourir.
Et la douleur naissait enfin dans sa tête torturée. Il se réfugiait sur l’un des bras du canapé et sanglotait discrétement.

I’m blue. Da bee da ( 8 ). listen up, here's a story, about a little guy that lives in a blue world, and all day and all night and everything he sees, is just blue like him inside and outside blue...

Il refusait de voir le monde à travers ses larmes. Qu’on l’oblige à vivre dans cet état, avec cette mélancolie qui le poignardait chaque jour un peu plus profondément… Et quand enfin Terry rentrait, il levait la tête et un sourire merveilleux fendait ses sanglots :

« Jeune maître… ! »

Mais cette fois, Terry taînait. Lelio enfila une veste de cuir par-dessus ses pauvres vêtements, n’hésitant pas à se jeter dehors. Sur la table du salon, un papier jaune « Je suis dans les quartiers de l’est »… Et l’humanoïde sortit, le regard vaillant. Il traîna longuement des pieds dans les rues miséreuses et s’arrêta net devant un magasin d’antiquités. En vitrine, une tête livide aux yeux violets…

[Ca c'est du gros uke 8D j'aime]